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La gazette de Bilitis
1 février 2008

Leon

Servi_ete_94

LEON

 

J’ouvris les yeux un beau matin, entre les pattes chaudes et poilues de ma mère, une mamelle humide me chatouillant le nez. J’occupai mes premiers jours dans le monde, à téter et à dormir. Puis ma mère me poussant et me léchant, je fis quelques pas.

 Je gambadai bientôt tout autour d’elle, montant sur son dos, mordant ses pattes et ses oreilles pour m’amuser. Au bout de quelques semaines, je mangeais tout seul.

 

Un jour, que je dormais sagement dans la paille, je fus réveillé par des aboiements et des éclats de voix. Un homme s’approcha de moi et ma première réaction fut d’aller me cacher derrière ma mère. La curiosité l’emporta pourtant et timidement je m’approchai.

Il était grand, les cheveux grisonnants. Il s’agenouilla près de moi et me tendit la main. Sa silhouette était entourée de bonté et de gentillesse. Je léchai la main tendue et allai me blottir contre lui. Il me prit dans ses bras, me caressant lentement. Une onde de bonheur et de chaleur me parcourut. Je l’aimais déjà.

Il m’emmena dans sa Land Rover et je quittai ma mère sans regret, une nouvelle vie s’ouvrait à moi.

 

Dans le petit village, à flanc de montagne, les maisons grises, blotties les unes contre les autres dégageaient une odeur chaude d’été. L’homme me déposa dans la paille de la grange, avec une petite caresse pour me rassurer.

 Un meuglement soudain, me précipita dans les jambes de mon maître, j’étais terrorisé. Il me calma avec des câlins, m’expliquant que les monstres qui faisaient tant de bruits, alignés les uns à côté des autres, à l’autre bout de l’étable, étaient des vaches et que désormais, elles seraient mes compagnes.

Pour me consoler de ma frayeur, il m’apporta un grand bol de lait. Un amour réciproque s’établit entre l’homme et moi. Il m’apprit à guider les vaches vers le pré le matin, et à les ramener vers l’étable, le soir. Je veillais jalousement sur mon troupeau, restant parfois toute la journée, là-bas près du « rio », somnolent, mais les sens en éveil.

 

Quelques fois, nous partions l’homme et moi, patrouiller dans nos montagnes à la recherche de braconniers. Je débusquais les grillons et parfois j’essayais d’attraper un isard, mais il sautait et gambadait bien plus vite que moi, et je restais tout déconfit, sous le rire tonitruant de mon maître. Les jours succédaient aux semaines, les mois aux années. L’homme et moi ne nous quittions jamais et rien n’aurait dû nous séparer.

 

Insensiblement, je sentis mon compagnon faiblir. Les balades furent plus courtes, plus espacées. Un jour, je conduisis mes vaches à leur nouveau maître. En rentrant dans l’étable ce soir-là, je sentis un grand vide et je sus que quelque chose venait de changer. Et puis les randonnées cessèrent complètement. L’homme me regardait tristement. Il s’asseyait pendant des heures, tentant de lutter contre l’inexorable. Je m’étendais à ses pieds, le léchant doucement, essayant de lui insuffler un peu de ma force.

 

Un soir, il s’est couché et ne s’est plus relevé. J’ai vu partir son âme, sachant que je ne pouvais la suivre.

 

Je m’appelle Léon et je suis chien.

 

 

MARGIE

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  • Notre élevage vu par Bilitis, jeune femelle Boxer. La parole lui est donné ici pour exprimer son amour et ses désillusions face au genre humain, mais aussi pour tenir la chronique de notre élevage !
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